Antonio Ruiz de Elvira Serra, Universidad de Alcalá
Le réchauffement climatique augmente l’intensité et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, à l’image des récentes inondations en Espagne. En cause, des « gouttes froides » rendues plus intenses et plus fréquentes par la déstabilisation du courant-jet polaire.
Ces derniers jours, un phénomène météo appelé « DANA » (acronyme de depresion aislada en niveles alto, ou dépression isolée à niveau élevé en français) a laissé dans son sillage en Espagne de fortes pluies et des inondations. Les régions méditerranéennes et d’Andalousie, en particulier autour de Valence, de Castille-La Manche et dans les îles Baléares. La tempête a fait des dizaines de morts et de disparus et a causé d’immenses dégâts dans les municipalités touchées.
Il y a cinquante ans, les DANA, que l’on appelait alors « gouttes froides », se produisaient trois à quatre fois par an, principalement en novembre. Aujourd’hui, elles se produisent tout au long de l’année. Pourquoi ?
Comment se forment les DANA ?
Ces tempêtes naissent de la même manière que les ouragans dans l’Atlantique ou les typhons dans la mer de Chine, à la différence qu’en Méditerranée, leur trajectoire est nécessairement réduite. Ils stockent donc moins d’énergie et de vapeur d’eau.
Il y a quelques décennies, la surface de la mer Méditerranée n’était chaude au point d’entraîner un surcroît d’évaporation dans l’atmosphère qu’à la fin de l’été. Aujourd’hui, elle est chaude tout au long de l’année : une énorme quantité de vapeur d’eau est constamment générée et s’élève vers les couches supérieures de l’atmosphère.
Dans le même temps, les zones polaires sont également beaucoup plus chaudes qu’il y a 50 ans. En conséquence, le courant-jet polaire, le courant d’air qui entoure la Terre à une altitude d’environ 11 000 mètres, est affaibli. Comme tout cours d’eau qui s’écoule lentement, il présente des méandres plus importants. Ce sont ces méandres qui contribuent à introduire au-dessus de l’Espagne de l’air froid en provenance du Groenland, à haute altitude.
De sorte que la vapeur d’eau évaporée à la surface de la mer rencontre de l’air très froid et se condense. La rotation de la Terre fait ensuite tourner l’air ascendant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, puis la condensation de la vapeur d’eau libère d’énormes quantités d’énergie.
En raison de cette combinaison de facteurs, les pluies torrentielles se concentrent en Espagne, sur les îles Baléares et les reliefs de la côte méditerranéenne, atteignant parfois la Sierra del Segura et la chaîne montagneuse de Cuenca. Le phénomène est rapide et très violent.
Parfois, cet air chargé d’humidité se déplace même vers les Alpes et les traverse, déversant alors des trombes d’eau en Europe centrale.
Réchauffement des océans et des zones polaires
Avec les énergies fossiles, les êtres humains ont découvert une gigantesque source d’énergie qui dérive en réalité de l’énergie du soleil collectée par les plantes et petits animaux d’il y a 30 à 300 millions d’années, dont les atomes de carbone forment les hydrocarbures d’aujourd’hui. Or, nous épuiserons ce stock constitué en des dizaines de millions d’années en 300 ans environ.
Cette source d’énergie est constituée de composés carbonés : charbon, hydrocarbures et gaz naturel. Pour en extraire l’énergie, il faut les brûler, ce qui produit des molécules telles que le dioxyde de carbone, le méthane, les oxydes d’azote et d’autres composés à plus de deux atomes. Toutes ces molécules piègent une partie des rayons infrarouges provenant du sol terrestre et de la surface de la mer et les renvoient à la surface de la planète. La planète est ainsi chauffée à la fois par l’énergie solaire et par cet effet de serre.