Travailler plus longtemps mais… dans quel état ? Le cas des éboueurs

Durant une collecte de déchets, comme ici à Paris, la fréquence cardiaque d’un éboueur frôle le niveau considéré comme excessif.
Wikimedia commons, CC BY-SA

Jean-Yves Juban, Université Grenoble Alpes (UGA) et Isabelle Salmon, Université Grenoble Alpes (UGA)

La réforme des retraites du gouvernement, contre laquelle une mobilisation record a été enregistrée lors de la grève du 31 janvier, prévoit d’allonger à 64 ans et 43 années de cotisations les conditions de départ. Cependant, le projet, qui vise notamment à équilibrer financièrement le système, risque d’être voué à l’échec si la question de la santé au travail n’est pas abordée de manière renouvelée.

Pour que l’allongement substantiel de la durée de vie professionnelle puisse se concrétiser dans les faits, il s’agit notamment de passer d’une logique de réparation à une logique de prévention des maux du travail. Le projet du gouvernement comporte certes un volet pénibilité, mais les pistes présentées ne vont pour l’instant pas dans ce sens.

La gestion des ressources humaines (GRH) des organisations privées comme publiques est ainsi appelée à se saisir pleinement de l’enjeu : la question de l’état de santé doit s’intégrer dans le cadre les dispositifs « ordinaires » de GRH, que le législateur pourrait d’ailleurs outiller, faciliter, encourager.

La soutenabilité du travail sur le long terme dépend de l’équilibre entre l’état de santé des travailleurs et l’exercice de leur métier, ce qui se traduit par deux questions : premièrement, l’état de santé d’un travailleur est-il compatible avec son métier à un instant t ? ; deuxièmement, le métier exercé influe-t-il sur l’état de santé du travailleur, et dans quel sens ?

Pour permettre aux salariés de satisfaire aux exigences légales de départ en retraite, en collaboration avec les spécialistes en santé au travail et en prévention, le gestionnaire va dorénavant devoir se poser ces questions tout au long de la carrière professionnelle du salarié, et cela dès le début de celle-ci, sans considération de l’âge du salarié.

Éboueurs à Marseille
Lorsque les ripeurs sont deux pour une tournée, chacun ramasse en moyenne 4,7 tonnes de déchets.
Wikimedia

12 238 pas

Dans un article publié récemment dans la revue Gérer et Comprendre, nous analysons l’état de santé des ripeurs, c’est-à-dire des éboueurs qui collectent les ordures ménagères à l’arrière des camions de ramassage.

Notre étude montre qu’un ripeur, lorsque la tournée de ramassage est faite avec deux personnes à l’arrière du camion, collecte les déchets pendant une durée moyenne de 401 minutes (presque 7 heures), bénéficie d’un temps de pause de 33 minutes, ramasse 4,7 tonnes de déchets, réalise 12 238 pas et parcourt au total 44,6 km à l’arrière du camion.

Le coût cardiaque, c’est-à-dire la différence entre la fréquence cardiaque au travail et celle au repos, est à 28,8 battements par minute. Or, le seuil supérieur qui caractérise une astreinte physique excessive est à 30 battements.

On comprend facilement que l’usure physique est très forte dans ce métier extrêmement contraignant, ce qui pose la question de la responsabilité du gestionnaire en termes de GRH et de santé au travail.

Le coût cardiaque élevé du monoripage

Cela pose aussi la question de la responsabilité des donneurs d’ordre, qui sont souvent des communes ou des communautés de communes pour la collecte des déchets. La responsabilité est d’autant plus forte lorsque le gestionnaire ou le donneur d’ordre, sous pression de la concurrence, envisage la pratique du monoripage, c’est-à-dire l’affectation d’un seul ripeur par camion.

Toutes les moyennes citées pour deux ripeurs se dégradent alors : 434 minutes de collecte, avec un écart-type à 90 minutes ; 26 minutes de pause ; 9,6 tonnes de déchets collectés ; 16 599 pas effectués ; 58,3 km en moyenne par tournée ! Le coût cardiaque bondit au-delà du seuil supérieur, jusqu’à 38,8 battements par minute.

Le métier de ripeur est probablement l’un des métiers les plus éprouvants, car il cumule nombre des difficultés contemporaines du travail : contraintes physiques et de temps, interactions avec les usagers, complexité des chaînes de responsabilité en matière de Qualité de vie au travail (QVT), etc.

Des réponses déjà élaborées

Pourtant, un travail doctoral mené en 2019, fondé sur l’étude de plusieurs entreprises de collecte des déchets, montrait que certains employeurs avaient déjà élaboré des réponses qui permettaient aux salariés d’exercer leur métier jusqu’à l’âge de la retraite en étant bien moins usés. Nous avions identifié deux modèles de GRH qui fournissent deux réponses différentes à une seule question : combien de temps un salarié doit-il/peut-il rester dans un métier contraignant ?

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Dans la première entreprise étudiée, l’employeur estimait que le salarié devait pouvoir exercer son métier « pour la vie », et mettait tout en œuvre pour le lui permettre, adaptant sa GRH quotidienne à son état de santé. Dans les faits, cette attitude se traduisait par l’introduction de marges de manœuvre dans deux grands domaines.

Premièrement, dans tous les aspects de la GRH : évaluation attentive aux souhaits d’évolution, moyens conséquents pour la formation, dialogue social permettant de limiter en interne le recours au monoripage si les ripeurs ne le souhaitaient/pouvaient pas, etc. Deuxièmement, dans tous les aspects de la vie quotidienne : soutien aux ripeurs en difficulté, organisation des équipes et du travail, pour adapter ce dernier aux éventuelles faiblesses transitoires résultant d’événements de la vie ou de santé… En conséquence, les indicateurs dans cette entreprise étaient bons : faible absentéisme, très peu d’inaptitudes, forte attractivité et très faible turn-over.

Poubelles à Paris
Les éboueurs cumulent bon nombre des difficultés contemporaines du travail.
Paola Breizh/Flickr, CC BY-SA

Dans la deuxième entreprise, l’employeur estimait au contraire qu’un ripeur devait exercer son métier le moins longtemps possible. Imaginant que l’instabilité dans le métier pouvait garantir la stabilité dans l’emploi, les gestionnaires avaient élaboré un projet de flexisécurité en interne, voire à l’échelle du territoire et entre employeurs.

Ainsi, le recrutement favorisait délibérément des candidats surqualifiés pour le métier de ripeur mais motivés par une carrière dans la fonction publique. L’employeur leur expliquait dès l’embauche que le métier de ripeur ne pouvait être qu’une étape dans leur carrière, un moyen mais pas une fin.

En les recrutant, il leur ouvrait l’accès aux concours de la fonction publique, qu’il les encourageait ensuite vivement à passer en leur fournissant des moyens conséquents (en temps et en argent) pour qu’ils puissent les préparer et les réussir. Malheureusement, nous n’avons pas pu avoir accès aux résultats de cette politique, le projet débutant lors de notre étude.

Une réforme à quel prix ?

Sans être toujours aussi contraignantes que celle des ripeurs, toutes les activités professionnelles ont un impact sur la santé dès lors que l’on considère celle-ci au plan physique et psychique. À l’heure où l’on observe dans de nombreux métiers une augmentation des cas de burn-out et de suicides, ainsi qu’un redoublement des questionnements sur le travail et son sens, les débats sur l’âge de départ en retraite remettent en avant les questions sur la durée pendant laquelle on peut envisager d’exercer un métier. Nos travaux menés chez des « premiers de corvée » comme les ripeurs peuvent se révéler source d’inspiration.

En effet, cette réflexion doit être l’occasion de rappeler que les effets du travail sur la santé peuvent aussi être positifs, sur le plan de la santé comme sur le plan social ; ce qui, au-delà des finalités et objectifs économiques de la réforme, justifie également de favoriser au maximum le maintien en emploi des seniors.

Pour conclure, nous pouvons dire que tenter de faire travailler des salariés vieillissants sans se poser la question de la soutenabilité du travail et sans mettre la GRH au service de cette question expose aux risques d’exclusion, d’arrêts-maladie, de chômage, d’invalidité voire de décès : c’est coûteux pour les individus comme pour la société. Une réforme peut-elle être payée un tel prix ?The Conversation

Jean-Yves Juban, Professeur de sciences de gestion, Université Grenoble Alpes (UGA) et Isabelle Salmon, Médecin du travail collaborateur, chercheur associé au CERAG, Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


Postiamo una traduzione dal francese in italiano effettuata con google translator per facilitare la lettura dell’articolo. Per un uso professionale o di studio dell’articolo raccomandiamo di fare riferimento all’articolo alla fonte in lingua francese . editor

 

Lavora più a lungo ma… in quale stato? Il caso dei netturbini

La riforma delle pensioni del governo , contro la quale si è registrata una mobilitazione record durante lo sciopero del 31 gennaio , prevede di estendere le condizioni di partenza a 64 anni e 43 anni di contributi. Tuttavia, il progetto, che mira in particolare a riequilibrare finanziariamente il sistema, rischia di essere destinato al fallimento se non si affronta in modo rinnovato il tema della salute sul lavoro.

Perché si realizzi concretamente il sostanziale prolungamento della vita lavorativa, si tratta in particolare di passare da una logica di riparazione a una logica di prevenzione dei mali del lavoro. Il progetto del governo prevede sicuramente una componente di disagio , ma le tracce presentate non vanno per il momento in questa direzione.

Il management delle risorse umane (HRM) sia delle organizzazioni private che di quelle pubbliche è quindi chiamato a cogliere appieno la questione: la questione dello stato di salute deve essere integrata nel quadro dei sistemi di HRM “ordinari”, che il legislatore potrebbe anche dotare , facilitare, incoraggiare.


Leggi anche: Disagio, usura professionale, burn-out: quali progressi nel progetto di riforma delle pensioni?


La sostenibilità a lungo termine del lavoro dipende dall’equilibrio tra lo stato di salute dei lavoratori e l’esercizio della loro professione, che si traduce in due questioni: in primo luogo, lo stato di salute di un lavoratore è compatibile con il suo lavoro in un momento t  ? ; in secondo luogo, la professione esercitata influisce sullo stato di salute del lavoratore, e in che senso?

Per consentire ai dipendenti di soddisfare i requisiti legali per la pensione, in collaborazione con gli specialisti della salute e della prevenzione sul lavoro, il dirigente dovrà ora porsi queste domande lungo tutto il percorso professionale del dipendente, e questo dall’inizio di esso, indipendentemente dall’età del dipendente.

I netturbini a Marsiglia
Quando ci sono due caricatori per giro, ognuno raccoglie in media 4,7 tonnellate di rifiuti. Wikimedia

12.238 gradini

In un articolo recentemente pubblicato sulla rivista Managing and Understanding , analizziamo lo stato di salute dei netturbini, ovvero i netturbini che raccolgono i rifiuti domestici dal retro dei camion della raccolta.

Il nostro studio mostra che un caricatore, quando il giro di raccolta viene effettuato con due persone nella parte posteriore del camion, raccoglie i rifiuti per una durata media di 401 minuti (quasi 7 ore), beneficia di un tempo di pausa di 33 minuti, raccoglie 4,7 tonnellate di rifiuti, fa 12.238 gradini e percorre un totale di 44,6 km nel retro del camion.

Il costo cardiaco, cioè la differenza tra la frequenza cardiaca al lavoro e quella a riposo, è di 28,8 battiti al minuto. Tuttavia, la soglia superiore che caratterizza l’eccessivo sforzo fisico è di 30 battiti.

È facile capire che l’usura fisica è molto elevata in questa professione estremamente restrittiva, il che solleva la questione della responsabilità del manager in termini di gestione delle risorse umane e salute sul lavoro.

L’alto costo cardiaco del monoripage

Ciò solleva anche la questione della responsabilità dei mandanti, che spesso sono comuni o comunità di comuni per la raccolta dei rifiuti. La responsabilità è tanto più forte quando il gestore o il committente, sotto la pressione della concorrenza, considera la pratica del mono-ripage, cioè l’assegnazione di un solo ripeur per camion.

Peggiorano poi tutte le medie quotate per due crossloader: 434 minuti di raccolta, con una deviazione standard di 90 minuti; pausa di 26 minuti; 9,6 tonnellate di rifiuti raccolti; 16.599 passi effettuati; 58,3 km in media per tour! Il costo cardiaco salta oltre la soglia superiore, fino a 38,8 battiti al minuto.

Il lavoro di uno scraper è probabilmente uno dei lavori più impegnativi, perché combina molte delle difficoltà contemporanee del lavoro: vincoli fisici e di tempo, interazioni con gli utenti, complessità delle catene di responsabilità in termini di qualità della vita sul lavoro ( QVT ) , ecc.

Risposte già sviluppate

Tuttavia, il lavoro di dottorato svolto nel 2019, basato sullo studio di diverse società di raccolta dei rifiuti, ha dimostrato che alcuni datori di lavoro avevano già sviluppato risposte che consentivano ai dipendenti di esercitare la propria professione fino all’età pensionabile in modo molto meno logoro. Avevamo individuato due modelli di gestione delle risorse umane che forniscono due risposte diverse a un’unica domanda: per quanto tempo un dipendente dovrebbe/può rimanere in un lavoro impegnativo?

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Nella prima azienda studiata, il datore di lavoro riteneva che il dipendente dovesse poter esercitare la sua professione “a vita”, e fece tutto il possibile per consentirgli di farlo, adattando il proprio HRM quotidiano al proprio stato di salute. In pratica, questo atteggiamento ha portato all’introduzione del margine di manovra in due aree principali.

In primo luogo, in tutti gli aspetti della gestione delle risorse umane: attenta valutazione dei desideri di sviluppo, risorse sostanziali per la formazione, dialogo sociale che consenta di limitare l’uso interno del turno unico se gli spedizionieri non lo desiderano/non possono farlo, ecc. In secondo luogo, in tutti gli aspetti della vita quotidiana: sostegno ai maturi in difficoltà, organizzazione dei team e del lavoro, per adeguare quest’ultimo a eventuali debolezze transitorie derivanti da eventi di vita o di salute… Di conseguenza, gli indicatori in questa azienda erano buoni: basso assenteismo , pochissime incapacità, forte attrattività e bassissimo turnover.

Bidoni della spazzatura a Parigi
I netturbini combinano molte delle difficoltà contemporanee del lavoro. Paola Breizh/Flickr , CC BY-SA

Nella seconda società, il datore di lavoro ha ritenuto, al contrario, che un cross-maturer dovesse esercitare il suo mestiere per il minor tempo possibile. Immaginando che l’instabilità della professione potesse garantire stabilità occupazionale, i dirigenti avevano elaborato internamente un progetto di flessicurezza, anche su scala territoriale e tra datori di lavoro.

Pertanto, il reclutamento ha deliberatamente favorito candidati troppo qualificati per il mestiere di fondista, ma motivati ​​da una carriera nella pubblica amministrazione. Il datore di lavoro spiegò loro appena assunti che la professione di travestito poteva essere solo una tappa della loro carriera, un mezzo ma non un fine.

Reclutandoli, dava loro accesso ai concorsi del servizio civile, che poi li incoraggiava fortemente a superare fornendo loro risorse sostanziali (in tempo e denaro) affinché potessero prepararli e superarli. Sfortunatamente, non abbiamo potuto accedere ai risultati di questa politica, il progetto avviato durante il nostro studio.

Riforma a che prezzo?

Senza essere sempre vincolanti come quella dei crossers, tutte le attività professionali hanno un impatto sulla salute se considerata a livello fisico e psicologico. In un momento in cui assistiamo all’aumento dei casi di burn-out e suicidio in molte professioni , nonché all’aumento degli interrogativi sul lavoro e sul suo significato , i dibattiti sull’età pensionabile richiamano gli interrogativi sulla durata durante la quale si può pensare di esercitare un mestiere. Il nostro lavoro svolto con i “primi di turno” come i ripeurs può rivelarsi fonte di ispirazione.

Questa riflessione, infatti, dovrebbe essere l’occasione per ricordare che anche gli effetti del lavoro sulla salute possono essere positivi, sia dal punto di vista sanitario che sociale; il che, al di là delle finalità e degli obiettivi economici della riforma, giustifica anche di favorire il più possibile il mantenimento degli anziani nel mondo del lavoro.

Per concludere, possiamo dire che cercare di far lavorare i dipendenti anziani senza porsi la questione della sostenibilità del lavoro e senza mettere la gestione delle risorse umane al servizio di tale questione espone al rischio di esclusione, assenze per malattia, disoccupazione, disabilità o addirittura morte: questo è costoso per gli individui e per la società. Si può pagare un tale prezzo per una riforma?