Thomas Coutrot et Coralie Perez, Redonner du sens au travail. Une aspiration révolutionnaire

Ancora una segnalazione ferragostana di un libro importante “Thomas Coutrot et Coralie Perez, Redonner du sens au travail. Une aspiration révolutionnaire, Le Seuil, Paris, 2022, 160 p.” La recensione è di Anne Jourdain .

 

 

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Le Seuil, Paris, 2022, 160 p.
Anne Jourdain
Référence(s) :

Dans un contexte postpandémique de « Grande démission », nous assistons aujourd’hui à une inflation des discours, médiatiques notamment, sur le sens du travail. Plus que jamais, la question du sens du travail serait centrale dans les choix de carrières et les bifurcations professionnelles. Deux économistes du travail, Thomas Coutrot et Coralie Perez, proposent de prendre à bras le corps cette question d’un point de vue scientifique. Leur livre de 160 pages se présente ainsi comme un essai, aux fondements scientifiques, revendiquant l’intérêt théorique de la question du sens du travail, soulignant ses enjeux actuels et affirmant la nécessité de la mettre au centre des politiques publiques.

2Le défi relevé par les deux auteurices est de faire d’une expression issue du langage indigène un concept scientifique, analytiquement opérant. Leur définition du sens du travail s’appuie sur une conception positive du travail, éloignée de la vision « ordinaire et doloriste » (p. 12) : « C’est d’abord l’activité organisée par laquelle les humains transforment le monde naturel et social et se transforment eux-mêmes » (p. 12-13). L’emploi, « institution qui encadre l’exercice du travail » (p. 16-17), est volontairement exclu du champ de l’étude. Ainsi, les questions de salaires, de carrière ou encore de conciliation sont laissées de côté. Dans ce cadre, les auteurices proposent de définir le sens du travail à partir de trois dimensions : l’utilité sociale, la cohérence éthique avec les valeurs personnelles et la capacité de développement ou d’accomplissement de soi. Ces trois dimensions, analysées tout au long de l’ouvrage, sont en partie définies en fonction de questions présentes dans les enquêtes statistiques « Conditions de travail » de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) rattachée au ministère du Travail. L’un des deux auteurices, Thomas Coutrot, connaît très bien ces enquêtes pour avoir dirigé le département Conditions de travail et santé de la DARES de 2003 à 2022. Le sens du travail est mesuré à partir de scores calculés sur huit questions. En plus des résultats statistiques, qui donnent lieu à de nombreux graphiques particulièrement bien construits, l’analyse s’appuie sur une vaste revue de la littérature en économie et sociologie du travail, mais aussi sur diverses sources journalistiques. Elle est ponctuée d’entretiens placés dans des encadrés dont on peut interroger la portée : si ces récits de vie allègent le propos centré sur les chiffres, ils sont purement illustratifs et ne font l’objet d’aucune analyse. La sélection de sources variées — entretiens des auteurices, mais aussi issus de documentaires télévisés, de reportages radiophoniques et de divers sites internet — aurait aussi nécessité quelques explications.

 

3Le livre est structuré en sept chapitres, les premiers étant plus descriptifs et les derniers plus prescriptifs.

4Le premier chapitre met en avant des résultats statistiques particulièrement intéressants issus de la définition du sens du travail en trois dimensions. Les auteurices montrent ainsi que les professions du haut de la hiérarchie sociale n’ont pas le monopole du sens. En effet, les assistantes maternelles apparaissent comme celles qui ont les plus hauts scores de sens du travail, tout comme beaucoup de professionnel·les du care.

5Thomas Coutrot et Coralie Perez ont anticipé les critiques que pourrait susciter leur concept de sens du travail. Le chapitre 2 a précisément vocation à contrer ces critiques d’ordres théorique et politique. La théorie économique dominante, fondée sur l’homo oeconomicus qui valoriserait uniquement le gain monétaire, est vite battue en brèche. Les auteurices s’attardent un peu plus sur les analyses sociologiques qui font du sens du travail un « problème de riches » (p. 35). S’iels accordent que les ouvrier·es trouvent en moyenne moins de sens à leur travail, le résultat statistique précédent sur les métiers du care montre que la qualification n’est pas centrale. Par ailleurs, même chez les ouvrier·es, la perte de sens au travail conduit à une forte hausse du risque dépressif.

6Le chapitre 3 interroge cette perte de sens du travail sous l’effet du management par le chiffre. Il met en évidence un déclin général de l’autonomie au travail depuis 1998, qui serait imputable à la demande croissante de reportings chiffrés de la part du management. Il montre aussi les effets négatifs des objectifs chiffrés sur le sens perçu du travail.

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