Plastique dans l’océan et dans nos assiettes : quels risques pour la santé humaine ?

Amélie Châtel, Université catholique de l’Ouest

L’accumulation de nano et microplastiques dans les organismes marins, notamment les poissons, s’accumule tout du long de la chaîne alimentaire. Au bout de celle-ci, elle se reflète également dans nos assiettes. Avec quels dangers pour la santé ?


Ce n’est un secret pour personne. Lorsque nous nous délectons d’un excellent morceau de poisson ou d’un plateau de fruits de mer, nous ne fournissons pas seulement de précieux oméga-3 et de la vitamine D à notre organisme. Nous ingérons aussi par la même occasion des substances bien moins propres à la consommation humaine : une multitude de micro- et de nanoplastiques.

Échantillonnages invertébrés d’eau douce C. fluminea au niveau de la Loire.
Amélie Châtel, Fourni par l’auteur

Par le biais de nos déchets, ces particules de plastiques de moins de 5 millimètres envahissent nos océans et s’immiscent dans la chaîne alimentaire. Une étude de l’Ifremer estimait ainsi à 24 400 milliards le nombre de microplastiques flottant à la surface des océans. Tous les organismes marins contiennent des microplastiques, des microalgues aux maillons plus hauts de la chaîne alimentaire comme les poissons. Un phénomène qui menace non seulement les écosystèmes marins mais peut-être aussi notre santé humaine.

Que sait-on exactement de l’accumulation de ces polluants dans les organismes marins et des risques qu’ils représentent pour l’humain ?

poisson qui nage à côté de plastique dans la mer
Les organismes marins bioaccumulent des micro et des nanoplastiques rejetés par l’humain dans la mer.
Naja Bertolt Jensen/Unsplash, CC BY-NC-SA

Micro et nanoplastiques, une menace invisible

Depuis les années 1950, la production de plastique a connu une croissance exponentielle (58 millions de tonnes en Europe en 2022), générant des quantités importantes de déchets.

Sous l’effet du vent, des vagues, du soleil, des microorganismes, ces déchets se fragmentent en microplastiques (taille comprise entre 1 et 5 mm) voire en nanoplastiques (taille inférieure à 100 nm), que l’on retrouve aujourd’hui dans tous les compartiments environnementaux (air, sol, eau).

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Le processus par lequel des substances, comme les plastiques, s’accumulent dans les organismes de différents niveaux trophiques et interagissent avec eux, est appelé « bioaccumulation ».

Design expérience de mai 2022 » : expositions en laboratoire de bivalves C. fluminea à des microplastiques.
Alice Vidal, Fourni par l’auteur

Les travaux scientifiques que nous avons menés au laboratoire révèlent que dans le cas aquatique, les micro- et nanoplastiques sont ingérés par une large variété d’espèces, depuis les microalgues, à la base de la chaîne alimentaire, jusqu’aux prédateurs supérieurs comme les anguilles.

La santé de la faune marine menacée

Ces ingestions ne sont pas sans conséquence. Des recherches révèlent ainsi que les microplastiques sont à même de provoquer chez les animaux marins des effets toxiques.

Non seulement ils bloquent les systèmes digestifs des moules marines, mais les micro- et nanoplastiques activent également leur système immunitaire, engendrent des cassures de l’ADN ou encore affectent l’expression d’un grand nombre de gènes impliqués dans de nombreuses fonctions cellulaires essentielles pour les organismes.

Ces effets sont dépendants de nombreux paramètres propres aux plastiques tels que leur taille, leur composition, leur état de vieillissement, mais également leur teneur éventuelle en additifs chimiques dangereux.

À titre d’exemple, les plastiques contiennent parfois des quantités importantes de phtalates, notamment considérés comme perturbateurs endocriniens, qui pour rappel sont des composés susceptibles d’interagir avec le système hormonal.

Toxicité pour la santé humaine

Or les plastiques accumulés dans la faune marine finissent inévitablement dans notre chaîne alimentaire.

Macrodéchets de plastiques récoltés au niveau de Montjean Sur Loire.
Amélie Châtel, Fourni par l’auteur

Il est ainsi estimé que les consommateurs réguliers de fruits de mer ingèrent plusieurs milliers de particules de microplastiques chaque année. Les recherches sur les risques exacts pour la santé humaine sont encore en cours, mais plusieurs hypothèses préoccupantes émergent.

Une fois ingérés par les humains, les microorganismes en pénétrant dans l’organisme causent potentiellement des dommages similaires à ceux observés chez les poissons, puisque les molécules sont identiques.

À l’heure actuelle, des recherches sur cellules humaines ont souligné un effet des micro- et nanoplastiques sur les mêmes fonctions cellulaires que celles évoquées chez les organismes marins. Les scientifiques s’inquiètent là encore surtout des impacts toxiques des additifs plastiques.

Par ailleurs, les micro- et nanoplastiques posent également problème par leur capacité à transporter des pathogènes ou des bactéries à travers l’environnement et potentiellement jusqu’à notre organisme – présentant peut-être un risque supplémentaire de faire émerger des maladies infectieuses.

Il apparaît donc urgent de s’attaquer à la bioaccumulation dans la chaîne alimentaire : en agissant rapidement pour limiter l’utilisation du plastique en amont et améliorer les techniques de recyclage en aval, cette progression pourrait être freinée.


Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 4 au 14 octobre 2024), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « océan de savoirs ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.The Conversation

Amélie Châtel, Professeur en Ecotoxicologie aquatique, Université catholique de l’Ouest

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.