Le Vietnam interdit le glyphosate

Laurent Vogel

Laurent Vogel

Chercheur – Institut Syndical Européen

Le Vietnam a décidé d’interdire tous les herbicides contenant du glyphosate. Il s’agit d’un nouveau coup dur pour le Roundup, produit phare de la multinationale Monsanto, devenue propriété du géant de l’agrochimie Bayer.

La décision de principe est intervenue le 27 mars peu après qu’un jury californien avait condamné la firme à indemniser une des victimes du Roundup. Elle est entrée rapidement en pratique. Le 10 avril, le ministère de l’agriculture et du développement rural vietnamien a retiré cet herbicide de la liste de produits autorisés.

L’administration Trump s’est alignée immédiatement du côté de Bayer-Monsanto et a condamné la décision du Vietnam. Reprenant l’argument habituel du lobby des pesticides, le ministre de l’agriculture des Etats-Unis Sonny Perdue a commenté: « Si nous voulons nourrir dix milliards de personnes en 2050, les agriculteurs du monde entier doivent avoir accès à tous les outils et technologies à leur disposition ».

Le Vietnam n’est pas le premier pays à interdire le glyphosate. En octobre 2015, le Sri Lanka avait pris la même décision à la suite de la publication d’une étude portant sur la toxicité rénale du glyphosate parmi les agriculteurs du secteur rizicole qui a causé plus de 20.000 décès dans ce pays. Le glyphosate interagit avec des métaux lourds contenus dans la terre. Sous la pression des Etats-Unis, le Sri Lanka avait ensuite suspendu partiellement l’interdiction en autorisant de nouveau l’utilisation de glyphosate dans les plantations d’hévéas et de thé. En 2013, le Salvador avait adopté la même position. Dans ce cas aussi, les pressions extérieures ont poussé le président de l’époque Mauricio Funes à ne pas faire appliquer l’interdiction malgré le grave impact sanitaire du produit.

Si la multinationale Monsanto a obtenu un succès important en novembre 2017 avec le renouvellement de l’autorisation du glyphosate sur le marché de l’Union européenne pour une période de cinq ans, les conditions dans lesquelles cette autorisation a été arrachée rendent la question particulièrement sensible. Elle indique la mainmise de l’industrie sur les agences réglementaires européennes qui ont traité ce dossier et la subordination de la commission européenne au lobby des pesticides. Il est vraisemblable que le nouveau Parlement européen, qui sera élu en mai 2019, devra reprendre l’examen de ce dossier. Dans différents domaines, les développements récents soulignent le danger de ce produit.

Depuis mars 2017, la Californie oblige les producteurs à étiqueter les pesticides contenant du glyphosate de manière à informer les utilisateurs du caractère cancérigène du produit. Peu après, pendant l’été 2017, la justice des Etats-Unis imposaient à Monsanto de donner accès à ses archives. Les “Monsanto papers” illustraient la stratégie d’infiltration des milieux scientifiques afin de promouvoir le doute sur les rapports entre le glyphosate et le cancer.

Le Vietnam est sans doute le pays du monde qui a le plus souffert des activités de Monsanto. Pendant la guerre du Vietnam, Monsanto et Dow Chemical ont réalisé d’immenses profits en produisant pour l’armée des Etats-Unis un défoliant puissant, l’agent Orange. L’objectif était de détruire la végétation dans des zones rurales acquises à l’insurrection. Les concentrations toxiques étaient 13 fois plus élevées que dans l’utilisation habituelle comme pesticide à des fins civiles. L’agent Orange a des conséquences désastreuses non seulement sur la santé des personnes exposées mais aussi sur leur descendance. Les enfants de personnes exposées sont affectés par ders malformations congénitales, des cancers, de la cécité. Selon l’association vietnamienne des victimes de l’« agent orange », plus de trois millions de Vietnamiens sont encore affectés par les conséquences de ce crime militaro-industriel.