Nos projections climatiques pour l’an 2500 montrent que la Terre sera inhospitalière pour les humains

Les prévisions actuelles concernant l’avenir du climat ne vont pas assez loin.
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Christopher Lyon, McGill University; Alex Dunhill, University of Leeds; Andrew P. Beckerman, University of Sheffield; Ariane Burke, Université de Montréal; Bethany Allen, Swiss Federal Institute of Technology Zurich; Chris Smith, University of Leeds; Daniel J. Hill, University of Leeds; Erin Saupe, University of Oxford; James McKay, University of Leeds; Julien Riel-Salvatore, Université de Montréal; Lindsay C. Stringer, University of York; Rob Marchant, University of York et Tracy Aze, University of Leeds

De nombreux rapports basés sur des recherches scientifiques évoquent les effets à long terme des changements climatiques, tels que l’augmentation des niveaux de gaz à effet de serre, des températures et des mers, d’ici 2100. L’Accord de Paris exige que nous limitions le réchauffement à moins de 2 degrés Celsius d’ici la fin du siècle par rapport au niveau préindustriel.

Depuis 1990, nous examinons les progrès accomplis au cours de cycles de quelques années grâce aux rapports d’évaluation et aux rapports spéciaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les rapports du GIEC analysent les recherches existantes pour nous montrer où nous en sommes, ce que nous devons faire d’ici 2100 pour atteindre nos objectifs et ce qui pourrait arriver si nous ne le faisons pas.

Le rapport récent des Nations unies sur les contributions déterminées au niveau national (CDN) nous prévient que les promesses actuelles des gouvernements nous exposent à un réchauffement très dangereux de 2,7 degrés Celsius d’ici 2100 : ce qui devrait causer des incendies, des tempêtes, des sécheresses, des inondations et des chaleurs sans précédent, ainsi qu’une profonde modification des écosystèmes terrestres et aquatiques.




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Même si certaines projections climatiques vont au-delà de 2100, on ne les prend pas en compte dans les décisions relatives à l’adaptation au climat et à l’environnement. C’est surprenant, car les personnes qui naissent aujourd’hui auront moins de 80 ans en 2100. À quoi ressemblera le monde pour leurs enfants et leurs petits-enfants ?

Pour saisir, planifier et communiquer toute l’étendue spatiale et temporelle des impacts climatiques, quel que soit le scénario, même ceux qui respectent l’Accord de Paris, les chercheurs et les décideurs doivent regarder bien au-delà de l’horizon de 2100.

Après 2100

En 2100, le climat cessera-t-il de se réchauffer ? Si non, qu’est-ce que cela signifie pour les humains aujourd’hui et dans le futur ? Dans notre récent article en libre accès paru dans Global Change Biology, nous commençons à répondre à ces questions.

Nous avons réalisé des projections à partir de modèles climatiques basés sur des profils représentatifs d’évolution de concentration (RCP, pour Representative Concentration Pathways), qui sont des « projections des concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère en fonction du temps ». Nos projections ont modélisé des scénarios de faibles réductions (RCP6.0), de moyennes (RCP4.5) et de réductions élevées (RCP2.6, qui correspond à l’objectif de l’Accord de Paris « bien en dessous des 2 degrés Celsius ») jusqu’en 2500.

Nous avons également modélisé la répartition de la végétation, le stress thermique et les conditions de croissance de nos principales cultures actuelles, afin de nous faire une idée du type de défis environnementaux que les enfants d’aujourd’hui et leurs descendants pourraient devoir affronter à partir du XXIIe siècle.

Les prévisions relatives au changement climatique prennent souvent l’année 2100 comme point final. Mais il est important d’envisager ce qui se passera au-delà, au moins jusqu’à l’an 2500
Anomalies de la température moyenne mondiale de l’air (lignes pleines) et de l’élévation thermostérique du niveau de la mer (lignes pointillées) par rapport à la moyenne de 2000-19 pour les scénarios RCP6.0, RCP4.5 et RCP2.6. Les zones ombrées mettent en évidence les horizons temporels d’intérêt et leurs années de référence nominales. L’image du bas montre les anomalies spatiales par rapport à la moyenne 2000-19 pour les climats de 2100, de 2200 et de 2500 selon les trois RCP.
(Lyon et coll., 2021)

Dans notre modèle, nous avons constaté que les températures moyennes mondiales continuent d’augmenter après 2100 pour les RCP4.5 et 6.0. Dans ces scénarios, la végétation et les zones les plus propices aux cultures se déplacent vers les pôles, et la superficie adaptée à certaines cultures est réduite. Des endroits riches en cultures et en écosystèmes, comme le bassin de l’Amazone, pourraient devenir arides.

En outre, nous avons évalué que le stress thermique pourrait atteindre des niveaux mortels pour les humains dans les régions tropicales qui sont actuellement très peuplées. Ces régions pourraient devenir inhabitables. Même dans le cadre de scénarios de réductions élevées, nous avons constaté que le niveau de la mer continuerait de s’élever en raison de l’expansion et du mélange des eaux dans les océans qui se réchauffent.

Bien que nos résultats soient basés sur un seul modèle climatique, ils se situent dans la fourchette des projections des autres modèles et contribuent à révéler l’ampleur potentielle des bouleversements climatiques sur des échelles de temps plus longues.

Pour bien représenter ce à quoi pourrait ressembler un monde avec faibles réductions et chaleur élevée par rapport à ce que nous avons connu jusqu’à présent, nous avons utilisé nos projections et diverses recherches pour créer une série de neuf tableaux couvrant un millier d’années (1500, 2020 et 2500 EC) dans trois grandes régions (l’Amazonie, le Midwest américain et le sous-continent indien). Les images pour l’année 2500 sont basées sur les projections RCP6.0 et comprennent des versions avancées mais reconnaissables des technologies actuelles.

L’Amazonie

Un triptyque d’un paysage près d’une rivière montrant comment les activités humaines affectent le climat
L’image du haut montre un village autochtone traditionnel précolonial (1500 EC) avec un accès à la rivière et des cultures plantées dans la forêt tropicale. L’image du milieu représente un paysage actuel. L’image du bas illustre l’année 2500 et montre un paysage aride et un faible niveau d’eau résultant du déclin de la végétation, avec des infrastructures rares ou dégradées et une activité humaine minimale.
(Lyon et coll., 2021), CC BY-ND

Midwest américain

Un triptyque sur l’agriculture et l’évolution des cultures au fil du temps en raison du changement climatique
Le tableau du haut est basé sur les villes et communautés autochtones d’avant la colonisation, avec des constructions et une agriculture diversifiée à base de maïs. Le deuxième représente la même région aujourd’hui, avec une monoculture de céréales et de grandes moissonneuses. La dernière image montre l’adaptation de l’agriculture à un climat subtropical chaud et humide, avec une agroforesterie subtropicale à base de palmiers à huile et de plantes grasses des zones arides. Les cultures sont entretenues par des drones IA, avec une présence humaine réduite.
(Lyon et coll., 2021), CC BY-ND

Le sous-continent indien

Un triptyque de changements sociaux et d’infrastructures au fil du temps en raison de la gravité du changement climatique
L’image du haut présente une scène dans un village agraire avec plantation de riz, bétail et vie sociale. La deuxième illustre une scène actuelle avec un mélange de riziculture traditionnelle et d’infrastructures modernes qui existe dans de nombreux pays du Sud. L’image du bas montre un avenir avec des technologies adaptées à la chaleur, notamment l’agriculture robotisée et les bâtiments verts, avec une présence humaine minimale en raison de la nécessité d’un équipement de protection individuelle.
(Lyon et coll., 2021), CC BY-ND

Un avenir inhospitalier ?

De 1500 à aujourd’hui, nous avons assisté à la colonisation et à la révolution industrielle, à la naissance des États, des identités et des institutions modernes, à la combustion à grande échelle de combustibles fossiles et à la hausse des températures mondiales qu’elle a engendrée. Si nous ne parvenons pas à freiner le réchauffement climatique, les 500 prochaines années et celles qui suivent modifieront la Terre d’une manière qui remettra en cause notre capacité à maintenir de nombreux éléments essentiels à notre survie, en particulier dans les cultures ancrées historiquement et géographiquement qui nous apportent sens et identité.

La Terre des projections les plus pessimistes est inhospitalière pour les humains. Nous devons choisir entre réduire d’urgence les émissions, tout en continuant à nous adapter au réchauffement auquel nous ne pouvons échapper en raison des émissions produites jusqu’ici, ou commencer à envisager la vie sur une Terre très différente de celle que nous connaissons.La Conversation

Christopher Lyon, Postdoctoral Researcher, McGill University; Visiting Researcher, University of Leeds, McGill University; Alex Dunhill, Research Fellow in Palaeobiology, University of Leeds; Andrew P. Beckerman, Professor in Evolutionary Ecology, University of Sheffield; Ariane Burke, Professor, Anthropology, Université de Montréal; Bethany Allen, Postdoctoral Researcher, Department of Biosystems Science and Engineering, Swiss Federal Institute of Technology Zurich; Chris Smith, NERC-IIASA Collaborative Research Fellow, University of Leeds; Daniel J. Hill, Lecturer, School of Earth and Environment, University of Leeds; Erin Saupe, Associate Professor, Palaeobiology, University of Oxford; James McKay, Manager, Centre for Doctoral Training, University of Leeds; Julien Riel-Salvatore, Professor, Anthropology, Université de Montréal; Lindsay C. Stringer, Professor, Environment and Geography, University of York; Rob Marchant, Professor of Tropical Ecology, University of York et Tracy Aze, Associate Professor, Earth and Environment, University of Leeds

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.